Jaguar XJ 40, la mal-aimée

Considérée longtemps avec une légère condescendante par beaucoup d’amateurs de Jaguar, la XJ40 commence à susciter l’intérêt. Elle fait la couverture du premier numéro de l’année 2010 de Jaguar Enthusiast (ci-contre).

Le modèle photographié est une XJR dans un état exceptionnel, qui aurait à mon avis gagné à rester « dans son jus ». Le leaper est un peu ridicule, et les passages de roue chromés font songer à un 4×4 américain. C’est souvent le problème avec les propriétaires de belles XJ40, y compris, et surtout peut-être, les Anglais : ils en font trop.XJ 40 est la dénomination officielle des XJ 6 et XJ 12 produites entre 1986 et 1994 (elles ont pu un moment être désignées XJ série 4). Elles existent en version Daimler, empattement court ou long. Sovereign est l’appellation commerciale d’une XJ 40 3.2 dont la présentation est un peu plus élaborée que le modèle de base.

Actuellement, la XJ 40 est la moins chère des Jaguar. Pour la clientèle des voitures neuves, c’est un vieux clou. Pour les amateurs de classiques, elle est trop récente. Pour les collectionneurs qui cherchent l’investissement, ce n’est pas une voiture qui « cote ». Les soit-disant puristes lui reprochent sa ligne, un peu trop moderne. Parce qu’elles ne valent plus rien en occasion, beaucoup de XJ 40 sont envoyées à la casse au moindre accrochage. Certaines sont achetées à bas prix par des propriétaires qui par la suite, n’ont pas les moyens de les faire rouler. Elles périssent faute d’entretien. Les prix des XJ 40

Mais tous les amateurs savent bien que c’est une vraie Jaguar, avec toutes les qualités et les petits défauts propres à la marque, et qui plus est un modèle d’une importance capitale dans l’histoire de Jaguar. Enfin, il faut le répéter, les XJ 40 sont des modèles très fiables, tout particulièrement pour les dernières années de production. Certes, le système électrique n’est pas simple, et de petites pannes peuvent apparaître, plus irritantes que sérieuses. Ce n’est pas pour autant que la voiture vous laissera en plan sur le bord de la route. Un défaut agaçant : la fragilité des pare-chocs. Au moindre choc, l’armature se déforme, et même si le pare-choc n’a pas subi de gros dégats apparents, il se retrouve mal aligné (il suffit de voir les XJ 40 en circulation, seules celles qui ne roulent pas ont des pare-chocs impeccables). Si l’on veut que les choses soient parfaites, la remise en état est onéreuse ( dans les 2000 euros pour chaque pare-choc). On peut acheter une 40 pour une bouchée de pain, mais il est plus honnête de prévenir les amateurs : si le prix d’achat s’effondre avec les années, le coût de l’entretien reste celui d’une Jaguar.

On peut la rechercher en effet parce qu’elle n’est pas chère. On peut aussi trouver un intérêt particulier au modèle. De toutes les « grosses » Jaguar, c’est sans doute celle qui a été la plus vendue, et qui le restera longtemps. Elle a connu un grand succès au Royaume-Uni, mais aussi aux Etats-Unis, où elle symbolisait le rafinement britannique au début des années 90. Sa carosserie, plus anguleuse que celle des XJ Série 3, la rend néanmoins facilement identifiable : laissez sur un parking de supermarché une XJ 40 et une XJ de la dernière génération. De très loin, vous identifierez la veille 40, à sa silhouette typique, nettement plus basse que toutes les autres, tandis que la nouvelle XJ pourra se confondre avec d’autres grosses berlines de luxe, allemandes ou japonaises. Dernier modèle conçu du vivant de Sir William Lyons, la XJ 40 est un pur produit de Browns Lane : L’histoire industrielle de Coventry.

On doit signaler quelques versions exceptionnelles de la 40 : les Daimler Double-six (V12) à empattement long, et les étonnantes « Chasseur », versions suralimentées élaborées par un préparateur qui avait fait de cette grosse berline un engin extrêmement sportif (avec 2 turbos et 350cv, et de nombreuses modifications orientées vers la performance). Le prix de la Jaguar « de base » était doublé et les Chasseur, aujourd’hui très rares, pourraient devenir des modèles « qui cotent ». À notre connaissance, il n’y a jamais eu une seule Chasseur importée en France. Peut-être y-a-t-il eu des conduites à gauche pour le marché nord-américain ?

La XJ40 conservé les caractéristiques voulues par le fondateur de Jaguar : Grace, space and pace. La grâce est indéniable. L’espace est là, ou du moins l’espace que prend la voiture sur un emplacement de parking (bien vérifier avant d’acheter si elle rentre dans le garage ! ). Car l’habitacle est relativement exigu par rapport à l’encombrement. Sauf sur les versions à empattement long, les passagers arrière ne disposent pour leurs jambes, que d’un espace chichement mesuré, tout particulièrement si le conducteur dépasse 1.80 m. Le coffre lui-même, bien que d’un volume appréciable, est encombré par une énorme roue de secours, et n’offre pas ce que l’on est en droit d’attendre d’une voiture conçue pour faire voyager 4 adultes dans le grand confort. Que l’aspect pratique ait été sacrifié au profit du style n’est pas sans charme ni panache. Avec le temps, les formes que l’on jugeait trop rectilignes, ont pris de la patine. Quand à « pace »… Les performances dépendent de la motorisation : un peu justes avec le 2.9, suffisantes avec le 3.6 et le 3.2, très bonnes avec le 4.0 atmosphérique, exceptionnelles avec le 4 litres suralimenté, évidentes avec le V12. Si la version sportive peut être considérée comme une voiture d’une agilité surprenante, surtout en regard du gabarit et du poids, tous les moteurs font de la XJ 40 une bonne voiture d’autoroute qui avale les kilomètres sans effort.

La sécurité passive : exceptionnel à son époque, le niveau de sécurité passive d’une XJ 40 est encore aujourd’hui très au-dessus du lot. Voir les statistiques du Department for Transport . Encore une bonne raison de rouler en XJ 40.

Avec ses équipements pléthoriques, ce n’est pas une voiture simple : les relais, les modules, les faisceaux électriques abondent un peu dans tous les recoins, et la localisation des fusibles est un casse-tête : il y en largement plus d’une centaine ! Mais ce n’est pas un engin mystérieux : les équipements électriques ne sont pas plus capricieux que sur une autre voiture, ils sont simplement plus nombreux. C’ est avant tout une question d’ordre, de méthode, de soin. Bien évidemment, l’expérience fera gagner beaucoup de temps, et l’on aura intérêt à confier sa 40 à quelqu’un qui connaît bien le modèle.

Avec la XJ 40, Jaguar a fait un grand pas en avant dans le modernisme : injection sur tous les modèles, gérée par l’électronique, ABS, moteurs multisoupapes, suralimentation pour la XJR. C’est une voiture que l’on peut utiliser au quotidien, et qui même dans les motorisations les plus modestes, conserve des performances parfaitement adaptées à la ciculation actuelle. On peut dire aussi que c’est la dernière des Jaguar classiques, la dernière à recevoir un 6 cylindres en ligne, ou le célèbre V 12.

Avec la XJ 40, Jaguar évolue aussi dans les méthodes de fabrication. C’est avec la 40 qu’est inaugurée la nouvelle de protection des carosseries par catalyse, et la laque polyuréthane, en remplacement des laques acryliques. C’est la première Jaguar qui ne pose pas de vrais problèmes de corrosion. En dépit de quelques points faibles bien connus, la résistance à la rouille est globalement satisfaisante. Cependant, alors que les XJ précédentes (série 1, 2 et 3) ne réservent pas de surprises (la corrosion sur les modèles non-restaurés est omni-présente), la 40 peut présenter des pièges, avec une corrosion sournoise et peu visible. Les éléments de carrosserie sont abordables mais les réparations entraînent parfois des travaux de démontage très importants.

Les motorisations : elles sont multiples, l’essentiel des XJ 40 ayant reçu des 6 cylindres en ligne :
L e 2.9, un peu faible, avec à peine 150 cv, qui est en fait un demi-V12, et les AJ6, robustes et sans problèmes, 3.6, 3.2 et 4 l.
L e 3.2 est un 4 l dont la course a été réduite, de façon à diminuer la cylindrée pour des raisons fiscales dans certains pays comme la France, l’Italie ou l’Allemagne. C’est le plus courant en France. Moteur moderne, à 4 soupapes par cylindres, il développe un tout petit peu plus de 200 cv, et un couple fort honorable de 30 Kg/m. Les performances sont presque équivalentes à celles de la 3.6, et légèrement inférieures à celles du 4.0. Plus carré que le 4 litres, L’AJ6 3.2 a été choisi en son temps pour motoriser (avec deux turbos), l’Aston Martin DB7. Ce serait une erreur de le considérer comme un 4 litres « au rabais ».

La presque totalité des XJ 40 a reçu une transmission automatique (ZF 4HP 22 pour la 3.2, ZF 4HP 24 électronique pour la 4.0). Les transmissions manuelles sont rares et recherchées par les amateurs, bien que la boîte auto soit parfaitement adaptée au caractère de la voiture. Pour l’éclaté des boîtes ZF, la liste des pièces, voir JPAT, un spécialiste de la transmission automatique de Bristol. Les transmissions 4HP22 et 24 retrouvent sur de nombreux véhicules : Peugeot, BMW, Land Rover etc.

En résumé, la XJ 40 apparaît comme un modèle de transition, qui conserve à bien des égards le caractère d’une classique, tout en adoptant des perfectionnements dignes de la génération suivante. Ce qui la rend attachante pour les uns la rend détestable pour les autres. On peut considérer que le coupé et le cabriolet XJS possèdent les mêmes faiblesses, et offrent à leur manière les mêmes agréments. Disons le franchement, les 6 cylindres atmosphériques sont suffisants au quotidien, mais ne confèrent pas à la XJ 40 des performances exceptionnelles, car la voiture est lourde, très lourde (1825 à 1900 Kg à vide), en raison d’une carrosserie imposante, d’une construction robuste, et d’un équipement pléthorique qui ajoute au poids. On évitera si possible la suspension à niveau constant, montée pendant quelques années, sources de problèmes (et de frais). Choisir de préférence la suspension traditionnelle, ou faire monter le kit de modification avec amortisseurs standard à la première occasion.

La finition, l’équipement

L’équipement est abondant : ordinateur de bord, lampes de lecture, climatisation automatique, sièges électriques sur la plupart des versions, chauffants, belle installation audio avec chargeur 6 CD dans le coffre etc. La finition est agréable : du vrai bois verni, des moquettes épaisses, bien ajustées, du cuir. Mais aussi beaucoup de plastique. Même dans les versions les plus élaborées, le plastique (agréable à l’oeil cependant) est un peu trop présent. Seules les versions Daimler ont droit à des tapis en pure laine. Les autres se contentent de moquette synthétique. Un peu mesquin tout cela. L’amateur pourra changer les moquettes, et s’il est fortuné, faire améliorer l’habitacle par un sellier.

L’entretien, en France.

La XJ 40 n’a jamais été très répandue en France. Sans doute ne correspondait-elle pas aux goûts de la clientèle. Ce n’était pas une affaire de prix, car les constructeurs allemands ont bien vendu pendant ces mêmes années, des modèles largement aussi coûteux. En dépit de qualités indéniables et d’un prix de vente attractif si l’on compare des choses comparables, la XJ n’a pas été vraiment appréciée en France. Si les XJ standard sont rares, les LW (long wheelbase, versions à empattement long) le sont encore plus. Cette rareté ne pose aucun problème au niveau de la mécanique et de la carrosserie, dans la mesure où le Royaume-Uni est une source inépuisable de pièces détachées : et si les pièces d’origine ne sont plus disponibles, le marché est suffisant pour que des spécialistes se lancent dans la refabrication aux spécifications d’usine. Certaines pièces sont très chères et d’autres (les plaquettes et disques, la pompe à eau par exemple) bien meilleur marché que pour de petites voitures françaises populaires. Pour ceux qui ont l’occasion de se rendre en Angleterre, on trouvera chez Halfords des consommables (filtres à huile, à air – ref HAF263 – , balais d’essuie-glace – ref W02 – etc…) vendus sous la marque Halfords, très corrects et pas chers.

La XJ40 au quotidien

Il ne faut pas attendre des miracles en ville avec des voitures aussi lourdes. Quelle que soit la version, compter largement 14 litres avec les 6 cylindres. Encore ne faut-il pas s’amuser à bondir de feu rouge en feu rouge, ou se limiter à de courts trajets, effectués à froid, auquel cas les 20 litres peuvent être dépassés. Sur route, en conduite paisible, on parvient à descendre en-dessous de 10 litres, et sur l’autoroute, à condition de respecter la limitation de vitesse, la consommation ne dépasse pas 11,4 l avec le 3.2. La surconsommation induite par la climatisation ne m’apparaît pas mesurable. En résumé, la XJ 40 n’est pas plus gourmande en ville que les voitures modernes de poids et de cylindrée comparables, et se révèle sur route particulièrement économique. Même aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de voitures à essence de plus de 2 tonnes en charge avec lesquelles on peut effectuer de longs trajets routiers et autoroutiers en consommant entre 10 et 11 l aux 100 Km.

Certains modèles ont été équipés de jantes de dimensions métriques, avec par conséquent des pneus Michelin qui ne sont plus disponibles, mais qui sont refabriqués en Angleterre par Avon (voir par exemple Vintage Tyres. Les XJ 40 sont montées pour la plupart en 225x55x16 ou en 215x65x15. Ce sont des dimensions courantes dans les grandes marques, mais peu fréquentes dans les marques de distributeurs et les « premiers prix ».
Le bricoleur peut se livrer à quelques opérations simples d’entretien, mais il est difficile d’aller au-delà : la bête est encombrante, il faut un grand garage pour pouvoir tourner autour. Elle est lourde, avec une garde au sol très basse : sans pont élévateur point de salut. Elle n’est pas simple : il faut des compétences, la documentation complète et un outillage véritablement professionnel (d’autant qu’il subsiste des filetages au pas Withworth ! – par exemple, des accessoires aussi bêtes que les pare-boues sont fixés par des vis de 3/8). Certains aspects de la XJ 40 sont même particulièrement complexes, en particulier la gestion électronique du moteur : il faut bien connaitre la XJ 40 pour ne pas risquer de mettre durablement en panne un système fondamentalement très fiable, avec sécurités et sauvegardes à profusion. Prochainement : la gestion électronique du moteur expliquée en termes simples.