Robert SAUBRY-BOBET n'a donc pu effectuer que
très peu de missions, rageant de ne pouvoir en faire plus alors
qu’il était enfin prêt. C’était frustrant
par rapport à ceux qui ont accompli un tour complet, mais bien
suffisant pour trouver la mort, au début de l'année 1945.
D'autant que l'entraînement avait déjà réduit
les effectifs, tant les conditions de sécurité étaient
précaires en ces années de guerre.
Pendant près de 60 ans. Robert
Saubry-Bobet a gardé le silence. À 84 ans, encouragé
par ses amis, il a souhaité raconter son aventure, pour les jeunes
d'abord, qui ne connaissent de la Seconde guerre mondiale que les épisodes
portés au cinéma ou à la télévision,
et pour tous ceux qui, plus âgés, se sont empressés
d'oublier les évadés de France.Il était difficile
de ne pas perdre espoir dans la France occupée : le pays n'était
plus qu'une gigantesque prison, et les Français des détenus,
soumis au bon vouloir de leurs geôliers.
Bien
plus, le pays était rançonné, et devait à
grand frais entretenir les armées d’occupation. Il était
difficile de ne pas désespérer devant la complicité
passive d’une bonne partie des autorités Françaises
en apprenant chaque jour les nouvelles victoires de l’Armée
Allemande. Les Français qui ont poursuivi la lutte n’ont
pas seulement sauvé l’honneur. Avec leurs pauvres moyens,
les armées de la France Libre ont permis à la France de
retrouver immédiatement son rang de nation souveraine et de prendre
place, dès sa création, au Conseil permanent de sécurité
de L’ONU, jouant comme on a pu le constater à plusieurs
reprises un rôle de médiateur irremplaçable dans
les relations internationales de la deuxième moitié du
20e siécle. Si les Français leur doivent beaucoup, le
reste du monde leur est aussi redevable.
D’autres ont déjà
publié leurs souvenirs, et certains avec de réelles qualités
littéraires. Si le talent de l’écrivain n’est
pas ennemi de la vérité, il arrive qu’il vienne
à lui donner un certain éclairage pour ménager
une progression ou accroître la tension dramatique. D’autres
encore engagés dans la vie politique, ont souhaité servir
une cause. Rien de tout cela chez Robert Saubry-Bobet. Sil a de multiples
talents (le bridge, le golf et bien entendu tout ce qui touche à
l’industrie du caoutchouc) ce n’est pas un homme de plume.
Son récit, dépourvu d’effets, n’est autre
qu’un témoignage. À ce titre, il contribue, plus
qu’une œuvre littéraire, à la connaissance
historique. Ce livre est le fruit de la collaboration d’un trio
: Robert Saubry-Bobet, pour l’essentiel (et n’oublions pas
que c’est lui qui était dans l’avion…) Daniel
Crouin, pour les conseils techniques, et Philippe Rouyer pour les recherches
documentaires et les traductions.
Il
s'agit nécessairement d'un point de vie subjectif. Robert Saubry-Bobet
n'avait pas l'intention de rédiger une étude historique,
mais de livrer un témoignage, son témoignage, avec son
interprétation des faits. La France et l'Allemagne sont devenues
le centre même de l'Union européenne, au point que la réconciliation
franco-allemande n'est plus qu'un souvenir. Lorsqu'ils parlent de nos
amis d'Outre-Rhin, ceux qui ont connu la guerre disent "les Allemands".
Mais lorsqu'ils évoquent ceux qui les ont envahis, occupés,
spoliés, pris en otage, et parfois torturés, ils disent
toujours "Les Boches". Nous n'avons pas voulu édulcorer
récits et témoignages, et , au risque de déplaire
à tous les "Tartuffe", nous avons laissé parler
les Anciens avec leurs propres mots. C'est aussi cela, la vérité.
On
lira aussi Soldats inconnus,
une page de Robert Saubry-Bobet écrite en hommage à Léon
Fourcade.